Le lundi 21 octobre
Promenade historiée : les Assemblées du Désert à Arpaillargues et « l’Affaire d’Arpaillargues ». Parcours du village à la peiriere commenté par Gérard Bressieux, professeur d’histoire et auteur des livres « Catholiques et Protestants à Uzès, les facettes d’une longue rivalité » et « Sur le criminel G. et autres personnages » aux Éditions La Fenestrelle
Parcours proposé par Gérard Bressieux. Longueur : 4km.
RV à 14h30 au parking de la salle polyvalente d’Arpaillargues et Aureilhac.
Quel succès, plus de trente personnes ont participé à la promenade historiée organisée par Gérard Bressieux. Il faisait beau et la renommée de notre guide y était pour beaucoup.
Il s’agissait de se balader et d’évoquer deux pages d’histoire du village : les Assemblées du Désert de 1750 et l’Affaire d’Arpaillargues de 1815, en trois étapes. L’histoire locale est bien sûr le reflet de l’histoire de la région et du pays.
Notre guide
Gérard Bressieux a terminé sa carrière de professeur d’histoire et de géographie au lycée Charles Gide d’Uzès. Depuis il ne cesse de faire des recherches historiques sur la période moderne et contemporaine de la région. Il a publié plusieurs ouvrages aux Éditions de la Fenestrelle.
L’Affaire d’Arpaillargues
Bien installés à l’ombre dans le parc, nous avons pu évoquer in situ la fameuse « Affaire d’Arpaillargues ». Nous étions à l’entrée du village là où, sans doute, en Avril 1815, les villageois ont voulu empêcher une troupe de miquelets de traverser le village armés. Les soldats royalistes traversaient la France après avoir tenté d’arrêter la « marche triomphale de Napoléon » . Ils voulaient rejoindre Nîmes en évitant Uzès et Saint-Quentin. Ils traversèrent Montaren sans incident et arrivèrent devant Arpaillargues précédés par un certain Bertrand d’Aureilhac qui fit courir le bruit mensonger qu’ils avaient tué et brûlé dans le village voisin. La population épouvantée s’arme de fourches, de bâtons, de fusils sous la direction de Mr Boucarut, officier de la Garde. Nous le connaissons bien pour avoir assisté à la conférence de Jean-François Bianco sur la correspondance entre Jean-François Boucarut et Charles d’Agoult.
S ‘ensuivit une fusillade qui blessa quatre miquelets dont deux y perdirent la vie. Les autres se dispersèrent et regagnèrent Nîmes.
L’ incident fit grand bruit dès qu’il fut connu à Nîmes où l’on parla désormais de « massacre d’Arpaillargues ». Des villageois furent blessés et certains incarcérés à Nîmes. Le procès qui suivit rendit un verdict très sévère : cinq exécutions à Nîmes et Arpaillargues et des condamnations au bagne pour plusieurs, entres autres Mathieu Surian. Accusé à tort avec ses compagnons il fut amnistié, réhabilité et indemnisé. Revenu en 1818 au village, il raconte ces évènements et leur triste suite dans un cahier retrouvé dans le secret d’un secrétaire d’une maison près de la Mairie par Maurice Larguier qui en fit l’étude et le récit : « Arpaillargues les évènements de 1815 » disponible à la bibliothèque du village.
Gérard dans son ouvrage « Catholiques et protestants, les facettes d’une longue rivalité » rapporte des écrits qualifiants très négativement les habitants du village : aux dires des miquelets « Méfiance, les gens de ce pays ne sont pas nos camarades. Ce sont tous des jacobins, des républicains ou des gorges noires ». Adolphe de Pontécoulant, dans ses écrits à charge, déclarait « la sauvagerie des habitants d’Arpaillargues, les femmes en particulier s’acharnaient sur les corps des volontaires royaux… ». Il va sans dire que le témoignage de Mathieu Suryan était tout autre : « …les prisonniers furent traités fort bien, on leur donnait à boire et à manger comme s’ils avaient été de nos hommes. Ils n’ont pas dit cela quand ils ont été à Nîmes, ils ont dit tout le contraire, ils ont dit que nous les avions assassinés… ».
Cette période de troubles, de haines entre royalistes et bonapartistes, catholiques et protestants était le reflet des évènements politiques. La peur, la rancœur animaient les habitants des villages de l’Uzège et plus généralement du pays tout entier. Le brigandage sévissait avec les dénommés « Trestaillons » et « Quatretaillons ». C’est l’objet du dernier livre de Gérard : « Sur le criminel « G » et autres personnages, pays d’Uzès et de Nîmes 1814-1830 ».
Les Assemblées du Désert de 1750
Revenant en arrière dans l’histoire, notre guide a commencé à évoquer un événement marquant d’une autre page d’histoire du village mais reliée à la précédente.
Continuant notre promenade par le chemin de Fontèze nous avons atteint le lavoir puis en nous dirigeant à gauche vers le pont rompu du chemin de fer, nous nous sommes arrêtés près des « passes » sur la rivière des Seynes. C’est par cette passerelle en pierres, qu’en 1750 les dragons du Roi, envoyés par Joseph Chambon, subdélégué de l’intendant du Languedoc, se sont glissés pour surprendre une assemblée de cinq cent personnes venue écouter le prêche du pasteur Jean Pradel dit Vernézobre. Le but de l’opération des 130 dragons répartis en trois groupes était de capturer le pasteur. Ils étaient porteurs de garrot et de fers.
Nous avons poursuivi le chemin qui longe la rivière et nous nous sommes dirigés vers la carrière, la Peirière (de peire la pierre), lieu de l’assemblée, que les protestants de l’Uzège appelaient « le camp » et où ils avaient l’habitude de se retrouver.
Installés sur les gradins de pierre comme autrefois nous avons écouté avec une attention amusée le récit théâtralisé de Gérard. Quand surviennent les dragons, les protestants protégèrent le pasteur qui eut juste le temps de s’enfuir à cheval. Dépités les dragons se retournent sur l’assemblée pour arrêter « cette racaille parpaillote, ces culs terreux, ces ensabotés illuminés ». Les prisons d’Uzès ne pouvaient contenir les 500 personnes ou plus, il s’est fait un tri souvent moyennant argent trébuchant et un cortège de 200 personnes a rejoint Uzès « frappant d’étonnement catholiques et protestants et arracha des larmes aux uns et aux autres » (Louis Atger).
Le résultat est l’envoi aux galères du Roi ou à la prison du Fort de Nîmes de 35 personnes et deux femmes furent condamnées à finir leurs jours à la Tour de Constance à Aigues-Mortes. 2000 livres d’amendes sont réclamées aux communes du secteur d’Arpaillargues.
C’est un lieu qui mérite le respect déclare notre guide après nous avoir fait la lecture des témoignages de quelques participants. La liste est jointe ainsi qu’un texte que Gérard a eu la gentillesse de me faire parvenir suite à sa conférence en 2020.
Nous pouvons en retenir un témoignage touchant : la veuve de Moïse Estienne, âgée de 80 ans : « A avoué qu’elle va aux assemblées autant que son âge et son infirmité le lui permettent, et qu’elle y allait lorsqu’elle fut arrêtée. »
Un court développement de ces deux pages d’histoire du village se trouve dans le premier livret « Arpaillargues-Aureilhac… racontez-nous le village… ci-joint
Nous avons remercié Gérard pour cette promenade-conférence si instructive puis nous avons repris le sentier qui domine la carrière pour rejoindre le village réfléchissant aux évènements relatés. Les habitants du village sont-ils toujours animés de l’esprit de Résistance, sont-ils « frondeurs et facilement enclins à empoigner fourches et faux dès qu’un bicorne ou un tricorne se détache dans le lointain » ou bien sont-ils comme à Montaren « encore un nid de guêpes dans lequel il vaut mieux ne pas trop agiter sa baïonnette » (selon Jean-Bernard Vazeille) ?
Les temps ont-ils changé, sont-ils moins violents ? Lutter pour la liberté de conscience et la liberté tout court semblent toujours d’actualité de par le monde.
Pour aller plus loin
- Uzège terre d’Assemblées de Louis Atger, Ed. du Musée du Désert, 1961
- Catholiques et Protestants à Uzès, les facettes d’une longue rivalité de Gérard Bressierux, Ed. de la Fenestrelle
- Sur le criminel « G… et autres personnages Pays d’Uzès et de Nîmes, 1814-1830 de Gérard Bressieux, Ed. de la Fenestrelle
- Arpaillargues, les Évènements de 1815 de Maurice Larguier, 1995
- Les Uzégeoises de la Tour de Constance de Jean-Bernard Vazeille, Ed. Lacour
Quelques photos de la visite
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