Par un bel après midi ensoleillé de fin d’avril, une vingtaine de zébriniens : Arpaillarguois, Uzétiens et Uzégeois sont venus retrouver quelques zébriniens Aureilhacois contents de les recevoir dans leur petit village ou plutôt hameau puisque le village a été rassemblé à Arpaillargues en 1813 par un décret napoléonien.

Nos guides

Dieter et Irmgard, professeur d’histoire-géographie pour l’un et céramiste pour l’autre, zébriniens de longue date, sont venus pour la première fois dans le village en 1970, il y a déjà plus de 50 ans. Venant d’Allemagne régulièrement, ils ont pu observer l’évolution du village. C’est pourquoi, Dieter a proposé d’évoquer la gentrification, c’est à dire les changements sociaux, sociétaux et économiques du village, lorsque nous lui avons demandé de visiter Aureilhac en leur compagnie.

Venus en touristes chez des amis, le couple Eifler, qui avaient réalisé en 1967 le « rêve d’une maison dans le sud« . Tous deux « étaient fascinés par l’aspect fermé du hameau avec ses vieux murs, ses maisons abandonnées et en ruine ». Ils ont finalement acheté la maison Eifler avec d’autres amis en 1993 et s’y sont installés seuls et durablement en 2003.

Le hameau

C’était un village à part entière avant 1813. Il y avait un château, une église, un four à pain, un lavoir… et de grandes maisons agricoles. Tout comme à Arpaillargues mais en plus petit.

Il s’appelait Aurelliacum en 571, Auriach en 1107, Aurelhacum en 1384 où il comptait 3 feux et demi, c’est à dire une vingtaine d’habitants (Arpalhanicae = Arpaillargues avait 9 feux c’est à dire une soixantaine d’habitants.). Les seigneurs et co-seigneurs étaient les Bargeton, les d’Agoult et Rafin du 16e au 18e siècle.(dixit Annie)

Mais en 1960 il n’y avait que 10 habitants permanents, à la fin de années 70 environ 50 h. et aujourd’hui plus de 100. Certaines maisons n’étaient plus que ruines ou inhabitables. Elles étaient très bon marché. Il y avait déjà des étrangers, suisses et américains qui avaient acheté des masets.

Le maset Jacot

Un des premiers à avoir acheté un maset au bord de la garrigue fut Claude Jacot. Il l’a agrandi pour en faire une maison d’habitation avec piscine. Il est devenu « viticulteur » en acquérant des champs et des vignes adjacents. Les nouveaux bâtiments respectaient le style architectural traditionnel de la région puis d’autres constructions ont vu le jour dans le même secteur.

Domaine et famille Mercier

En revenant du maset Jacot, nous sommes passés à proximité du terrain où fut découvert le fameux Priape (statue du dieu de la fertilité et des jardins) par Alfred Mercier en1970 lors d’un labour profond. Trouvé en morceau, il a été restauré par le service archéologique de Montpellier. Longtemps objet privé, il fut offert à la commune en 2008 par Gérard Mercier et visible depuis en Mairie.

La famille Mercier habite le château, vaste domaine qui a appartenu comme celui d’Arpaillargues aux d’Agoult propriétaires des trois terres : Arpaillargues, Aureilhac et Castille puis aux Rafin, et aux de La Rochette au 19e s. qui le vendirent au notaire Praden, qui le transmit ensuite à Fernande Mercier dont les fils et les descendants sont les actuels propriétaires.

Dans le passé, la ferme du château employait 10 ouvriers aux travaux des champs et 4 femmes s’occupaient de l’entretien de la maison.

C’était donc un grand domaine agricole avec parc, granges et vastes bâtiments d’exploitation qui ne sont plus utilisés ou transformés en appartements en location.

A l’ombre des grands murs de la grange, Dieter nous a lu un poème d’Hildegard Eifler qui décrit bien la vie à Aureilhac dans les années 70 : « Le vieux Méric« . Voici ce poème savoureux :

Centre du village

La chaleur nous a fait écourter le tour du village aux façades dotées de grands portails d’accès pour les charrettes et autres machines agricoles. Parfois, seules de petites portes donnent accès à la propriété où se cachent des cours et petits jardins avec puits. Les façades nord sont fermées pour se protéger du mistral. La plupart des maisons avaient une vocation agricole, pas exclusivement destinées à l’habitation comme aujourd’hui où toutes les anciennes granges, écuries, magnaneries, greniers, caves ont été transformés.

Ancienne église

Un bâtiment très marquant du centre du village repose sur des murs du 11e siècle. On remarque les ruines de l’ancien clocher qui aurait perdu quelques mètres au 19e s. quand les pierres furent réutilisées ailleurs !

Notre Dame d’Aureilhac ou Saint Pierre d’Aureilhac a une abside en moyen appareil très régulier avec une très jolie fenêtre. Elle fut surélevée pour raison de défense. C’est une église fortifiée. Le prieuré de Notre Dame des Anges était de la collation de l’Évêque d’Uzès ainsi que la Chapellerie St Roch.

Vendu comme bien national, elle fut transformée en habitation où vécut Alfred Méric « le poète des jours de pluie » qui a donné son nom à la place. Agriculteur il est aussi éditeur d’une revue « L’Arpagus » en languedocien et en français à partir de 1914.

Un joli balcon « bourgeois » garni de ferronnerie y fut accolé au 19e s. Le bâtiment a changé plusieurs fois de propriétaire avec des intervalles de plus en plus courts. « Une affaire de plus en plus fréquente qui a fait grimper les prix de l’immobilier dans la région à des hauteurs vertigineuses ».

Le presbytère

Situé en face de l’église, il appartient depuis les années 90 à une famille suisse qui l’a restauré au fil des ans. Son jardin orienté au sud a vue sur les hauteurs des gorges du Gardon. Derrière le grand portail se trouve une cour intérieure entourée de bâtiments latéraux.

Les lucioles

Quelques habitants de cette résidence nous ont permis de pénétrer dans ce nouveau quartier privé où 14 maisons ont été construites par un architecte en 1993. Habitées principalement par des Suisses puis des Belges, elles semblent toutes semblables et sont pourtant toutes différentes avec une partie arrondie à l’image peut être des tours, celle de l’église et celle du château d’eau. Les circulations sont bien végétalisées et débordent de fleurs en ce beau jour de printemps. Elles comportent une grande piscine collective. Ce qui a amené Dieter à parler du nombre croissant des piscines du hameau. Alors qu’il y avait un seul bassin en 70, il y en a aujourd’hui plus de 20 et les problèmes d’eau pourraient bien devenir préoccupants.

Maison Méric – Jeanmomod – Allaman

Tout à côté de l’église ce grand mas avec dépendance fut la propriété du vieux Méric, frère du poète, et de ses descendants. Trois générations y vivaient côte à côte. Aujourd’hui le grand mas avec la ferme a été vendu en 3 parties à 3 propriétaires qui l’on aménagé en habitations avec 3 piscines. Les enfants Jeanmonod ont construit des immeubles d’habitation modernes à proximité et une menuiserie fut exploitée dans l’ancienne magnanerie. La maison de Jack Jeanmonod a changé 3 fois de propriétaires en peu de temps.

Maison Esmieux – Permingeat

Bénédicte a eu la gentillesse de nous inviter à pénétrer dans la cour et les caves voûtées de cette belle maison autrefois agricole appartenant aux Permingeat. Il y avait un pigeonnier, une forge, des granges, des bergeries, écuries … et de beaux balcons sur voûtes. Aujourd’hui, elle est toute restaurée et peut loger la grande famille de Bénédicte pendant les vacances ou accueillir des vacanciers.

Maison Lacroix

Située sur la place du Pouzet, elle attire l’attention par sa belle balustrade en fer forgé et son balcon très étroit. Un signe de la richesse bourgeoise du propriétaire de la maison. Ses initiales (Lacroix) sont gravées sur la balustrade. La porte d’entrée est tout à fait anodine et il est impossible de penser qu’elle cache l’une des plus grandes maisons d’habitation du village. Il manque un grand portail, caractéristique d’une propriété rurale, car Monsieur Lacroix possédait également les deux fermes voisines (Naveilhan et Eifler) et de vastes terres qu’il faisait exploiter par les deux fermiers installés dans ces fermes. Les caves voûtées du rez-de-chaussée et le vaste grenier servaient à abriter les récoltes.

Après le décès de M. Lacroix, les héritiers ont vendu cette propriété aux époux Naveilhan (de Paris), aux époux Eifler (d’Allemagne) et aux époux Geer (des États-Unis, Mme Geer était originaire d’Arpaillargues).

La grande maison bourgeoise Lacroix a encore changé trois fois de propriétaire et elle a été transformée en Chambres d’Hôtes (Mas de Luna).

Maison List, anciennement Eifler

La maison (en partie accolée à l’église du 11e siècle) était une ferme de Mr Lacroix. Elle fut achetée en 1967 par les Eifler alors qu’elle était inhabitable et à un prix très bas (4.000 FF !). Jusqu’en 1975, elle a été restaurée et transformée en maison d’habitation. Les écuries (pour les chevaux et les chèvres), la cuve à moût, le grenier, la cave à vin, les deux magnaneries et la remise ouverte ont disparu. De nouvelles pièces ont été créées et quelques modifications architecturales ont été apportées : des salles de bain et des toilettes ont été construites, deux petites cuisines, un atelier, un sauna, plusieurs dortoirs, des balcons ont été ajoutés (mais aucune piscine n’a été construite !). M. Eifler était architecte et il a essayé de préserver et de respecter autant que possible le caractère ancien lors de la restauration et de l’adaptation des bâtiments aux exigences actuelles.

Après nous avoir fait faire le « tour du propriétaire », Dieter et Irmgard nous ont offert un délicieux goûter. Tous assis dans le premier jardin, autour de la table chargée de boissons et de gâteaux, nous avons continué à évoquer l’évolution du village et Katy et Annie ont lu des poèmes du poète Méric.

« Avant 1960, seuls des français résidaient à Aureilhac, pas tous natifs du lieu mais ayant hérité de bâtiments utilisés comme maisons de vacances. Ce n’est qu’à la fin des années 60 que des étrangers sont arrivés : Suisses, Allemands, Américains, Belges. Aureilhac est devenu un lieu de résidence internationale ! Sans oublier les familles françaises venues s’y installer ».

Mais tous ces changements ont eu de nombreuses conséquences : la population a augmentée, elle s’est rajeunie, le niveau de vie s’est amélioré mais les maisons sont de plus en plus transformées en lieu de vacances. La circulation et la présence croissante des voitures posent problème et surtout la cohésion sociale de voisinage n’est plus la même.

Ci joint le texte communiqué par Dieter sur la gentrification qu’il nous a présenté dans ses grandes lignes. (La secrétaire a d’ailleurs largement repris les textes communiqués par Dieter).

Nos amis semblent regretter tous ces changements. Généreux, ils continuent à rassembler la population du hameau le 1er janvier et participent à la fête des voisins en automne. Et même s’ils déplorent le changement d’aspect extérieur du hameau : « l’ancienne silhouette du village dépasse heureusement des nouvelles constructions et reste reconnaissable avec ses tours caractéristiques ».

C’est un beau village où nous avons toujours plaisir de les retrouver.

Pour aller plus loin

• Arpaillargues-Aureilhac : Racontez-nous le village, vol. 2 (2003)

Quelques photos de la visite

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