3 avril 2023 – Le Mas des Tourelles et l’Abbaye de Saint-Roman

Abbaye de Saint-Roman à BeaucaireL’Abbaye de Saint Roman et le Mas des Tourelles. L’Abbaye de Saint-Roman abrite les vestiges d’un monastère creusé dans une colline dès le Xe siècle. Le mas des Tourelles, situé à l’emplacement d’une villa romaine s’est lancé dans la reconstitution de vignobles et de vins romains.

Visite organisée par Françoise avec les guides des deux sites

RV : 8h45 pour covoiturage au parking de la salle polyvalente ; 10 h au Mas des Tourelles ; 14h45 à l’Abbaye de Saint-Roman

 

 

Ça c'est bien passé

Mas des Tourelles

Nous continuons notre découverte du sud-est du département en nous dirigeant vers Beaucaire où nous allons traverser l’histoire de l’Antiquité au Moyen-Age.

Une vingtaine de zébriniens ont suivi ce périple lundi 3 avril.

Le Mas des Tourelles

Ce magnifique mas languedocien du 17e siècle, couvert d’une superbe glycine bicentenaire est un domaine viticole particulier puisque l’on peut y déguster du vin romain. Situé dans la zone des « Costières de Nîmes », ce mas de plaine de 90 hectares de vignes produit des milliers de bouteilles de vins rouge, blanc et rosé mais aussi 10 000 bouteilles de vin romain.

 

Vestiges des ateliers de potiers

L’archéologie expérimentale

Le propriétaire, Hervé Durand, passionné de viticulture et d’archéologie s’est lancé dans cette production singulière, sachant que son domaine est situé à l’emplacement d’une villa romaine et plus précisément sur la « Pars rustica » de cette villa. Les campagnes de fouilles ont démontré l’existence d’une communauté de potiers qui fabriquaient au 1e et 2e siècles de notre ère des tuiles et des amphores dites « gauloises IV » qui servaient à exporter les vins de la région dans tout l’empire romain. Ces dernières témoignent d’une activité importante de commerce des vins et huiles d’olives favorisée par la « Via Domitia » qui longe le domaine. Le propriétaire a eu l’idée de reconstituer un vignoble et une cave, la « Célia vinaria« , où le raisin est foulé aux pieds puis pressé dans un impressionnant pressoir reconstitué d’après un texte de Caton. Le jus de raisin recueilli est mis à fermenter dans les « dolia » (grandes jarres en terre cuite dont on trouve de nombreux morceaux dans les vignes d’Arpaillargues).

Les vinifications sont conduites d’après les textes d’auteurs latins avec adjonction de plantes et autres ingrédients suivant les recettes d’aromatisation. Les vins n’étaient pas seulement aromatisés pour leur goût mais surtout pour leur conservation.

 

Les amphores

La guide

Jeune (comme toujours !) et charmante, Virginie va nous guider dans la découverte du vin romain de son origine à sa dégustation, une expérience !

Le musée

Elle nous accueille dans une grande salle-musée, car il s’agit bien, ici, d’archéologie.

Outre la grande cheminée de ferme, la salle présente plusieurs vitrines contenant de nombreux morceaux de poterie de ces fameuses amphores gauloises (utilisées une seule fois hélas) . Amphores I et IV qui contenaient plus de 26 litres dans leurs panses arrondies. Elles ont deux courtes anses et une base stable. Elles sont bien différentes des grandes amphores italiques visibles aux Musée d’Arles et de Nîmes. Les vitrines contiennent aussi des céramiques sigillées, des morceaux de meules de basalte, des tuiles (tegulae), des céramiques culinaires mais aussi des clous de charpente, des serpettes (bien sûr pour cueillir les grappes), des lampes à huile et des pesons… Tous ces objets témoignent d’une exploitation prospère et d’un site riche en éléments archéologiques.

 

Dans la salle d’exposition

L’exposition

Nous continuons dans une autre partie du mas, plus ancienne, qui présente de grands panneaux didactiques sur l’histoire de la période gallo-romaine, sur la Voie Domitienne, et sur tout ce qui concerne la vigne et le vin. Une bonne place est réservée aux épices qui en permettaient l’aromatisation et la conservation : poivre, cardamome, cannelle, fenugrec, fenouil…
Il y a aussi un atelier de parfumerie reconstitué, avec pressoir, bassines (mais pas encore en fonction) et une salle présentant des jeux utilisés par les gallo-romains.

 

La celia vinaria

La cave gallo-romaine

C’est une impressionnante salle où trône un immense pressoir en bois de chêne. Un tronc d’arbre multicentenaire de 2 tonnes permettant d’écraser les grappes au préalable foulées dans un grand bac de pierre (le calcatorium ou fouloir). Sur le sol, à demi enterrées se trouvent les grandes dolia (300 ou 400 litres) et contre les murs une multitude d’amphores gauloises. Depuis 25 ans, cette cave fonctionne le deuxième dimanche de septembre, lors des vendanges romaines où le raisin est cueilli à la main par des vendangeurs revêtus de la tunique des esclaves. Ils foulent ensuite, les pieds nus, les grappes qui passent dans l’énorme pressoir à levier. Un film nous a permis d’assister à ces vendanges singulières, au foulage, au pressage et à la fermentation.

 

Les vins romains

La dégustation

Il était temps de goûter à ces vins dont on ne faisait que parler, c’était l’heure du « gustatio« , l’apéritif vous l’aurez compris. Trois vins nous sont présentés et commentés.
Le Mulsum : miellé et épicé aux arômes de cannelle et de noix. Il avait la réputation de garder la jeunesse des hommes mais était interdit aux femmes !
Le Turriculae : vin blanc sec aux notes iodées (mais oui avec de l’eau de mer), aromatisé de fenugrec et d’iris selon la recette de Columelle (écrivain latin).
Le Carenum : vin doux et liquoreux aromatisé aux coings.
Pour nous, les vins doivent être accompagnés de quelques mets, c’est pourquoi de petits tartines à la romaine (offertes par la Zébrine) ont complété la dégustation. Trois plateaux garnis aux condiments romains.
L’Alexdrandina : sauce aux raisins, coriandre et vin doux.
Le Salyen : un sel mélangé de thym, persil, origan, cèleri et gingembre.
Le Phoenix : sauce aux saveurs aigres douces de dattes, vin rouge et oignon, une recette d’Apicius, célèbre gastronome antique.

 

Pique-nique dans le lucus

Le lucus

Mis en appétit par ce gustatio nous sommes allés pique-niquer dans le « lucus » ou bois sacré reconstitué où, à l’abri du vent et au soleil, chacun a pu reprendre des forces et se reposer.
Nous avons pu aussi, seul et librement, poursuivre notre visite du vignoble conduit à la romaine, c’est à dire en espaliers, treilles ou directement sur les oliviers. Nous avons traversé le jardin encore en sommeil, pour atteindre les lieux de fouilles où émergent les restes de murs antiques et une foule de morceaux épars de tuiles et d’amphores. C’est là aussi que furent découverts les fours de potiers.

 

Ce témoignage d’archéologie expérimentale est fort intéressant. Cette plongée dans la civilisation gallo-romaine et l’alliance du patrimoine, de la culture, de l’agriculture et des saveurs a ravi les zébriniens. Notre Priape en serait satisfait !

Il était temps de faire un bond dans l’histoire et d’aller visiter l’Abbaye de Saint-Roman à quelques encablures de là mais toujours en Terre d’Argence.


L’Abbaye de Saint-Roman

Face au confluent du Gardon et du Rhône, et face au village de Vallabrégues et à Beaucaire, une colline boisée abrite le grand vaisseau de pierre de Saint-roman. Une petite dizaine de Zébriniens sont venus nous rejoindre au pied de l’édifice. C’est donc une trentaine de personnes qui ont grimpé un chemin dallé au milieu de la garrigue pour accéder à l’Abbaye.

 

Sommet de l’Aiguille vu de Saint-Roman

Le massif des Aiguilles

Cette colline boisée est constitué de molasse calcaire du miocène dont le sommet est l’Aiguille, un petit plateau rocheux juste au dessus de Saint-Roman. Creusé d’anfractuosités et de grottes aménagées en habitations troglodytiques, il a été habité dès la préhistoire. La tradition veut qu’à la fin du Ve siècle des ermites émules de Saint-roman s’y installent.

 

 

La chapelle

L’Abbaye de Saint-Roman

La légende voudrait aussi que ces ermites occupèrent ensuite un autre rocher calcaire plus vaste à proximité où se développera un véritable monastère troglodytique. Les recherches pour dater cet édifice se poursuivent, des fouilles et un colloque ont eu lieu en 2022, éclairant un peu son histoire.
La première mention écrite ne date que du 10 e siècle. L’origine paléochrétienne de la communauté monastique est loin d’être attestée.

 

 

Le guide

Cédric Durand, stoïque malgré le grand vent, seulement vêtu d’un pull alors que nous étions tous transis et encapuchonnés pour lutter contre le Mistral qui se déchainait au sommet, nous a présenté le site pendant deux heures.

 

L’Abbaye troglodytique

Face à l’abbaye

Regroupés au soleil nous avons d’abord contemplé l’impressionnant rempart naturel, égayé d’arbres de Judée en fleurs. Magnifique !
Nous sommes entrés dans une surprenante, très grande et haute salle creusée dans le calcaire tendre : le cellier (et non une cathédrale), aménagé sur trois niveaux comme en témoignent des arcs, des corbeaux et autres vestiges de constructions. Nous avons fait ensuite le tour du rocher creusé de toutes parts et surmonté de murs de fortifications du 14e siècle. Les moines ont creusé ou adapté les grottes existantes pour y construire cette abbaye bénédictine qui fut prospère mais qui, dès le 12e siècle est inféodée à l’Abbaye de Psalmodie et devient prieuré. Elle comprend alors une chapelle, des cellules monastiques, quelques salles et une nécropole, le tout creusé dans la pierre. Au 14e siècle elle est fortifiée, un fossé est creusé tout autour et des murs sont élevés. Un studium (collège pour adolescents) est mis en place par le Pape Urbain V pour dispenser l’instruction aux pauvres comme aux riches. Au 16e siècle les moines quittent Saint-Roman qui est vendue à un particulier d’Aigues-Mortes qui y fit élever un petit château. Le domaine se transmet à plusieurs familles nobles provençales. Le dernier propriétaire vend toutes les pierres de taille au 19e siècle. C’est pourquoi le site est dans un tel état. Racheté par la société des ciments français pour l’exploitation des carrières de calcaire, le site a failli disparaître. Mais, en 1935, il est inscrit à l’inventaire supplémentaire des Monuments historiques. Ouvert à tous les vents, le rocher est creusé, dentelé mais imposant.

 

Trônes de l’abbé et du prieur

La chapelle

Nous avons pu, après avoir grimpé un escalier à vis en métal (bien différent de celui de Saint-Gilles) accéder à la chapelle, ancienne grotte aménagée, à l’entrée béante et ventée, dont il reste une voûte appareillée, la nef creusée dans la paroi, quelques salles latérales avec au fond une voûte en croisée d’ogive et surtout une multitude de tombes, certaines en enfeu (surmontées d’une petite alcôve voûtée), pouvant abriter les sépultures de personnages importants. Sur le côté, deux sièges sont creusés dans la roche. L’un appelé le trône de l’abbé, sculpté de trois arcs (rappelant l’abbatiale de Saint-Gilles !), de cannelures et d’une voûte pour rabattre et conduire le son. L’autre appelé le trône du prieur est plus simple et plus petit.

 

 

Terrasse supérieure creusée de tombes

La terrasse supérieure

Suivant un petit couloir, nous avons grimpé sur le toit terrasse planté de pins et creusé de centaines de tombes anthropomorphes (avec logette céphalique). Il y en a plus de 150 mais d’autres tombes devaient se trouver tout autour de l’abbaye, placées en escaliers. Elles ont été comblées pour créer un jardin (pins et arbres de Judée en témoignent) ou détruites pour construire des bâtiments. Ces tombes étaient celles des moines mais aussi celles des habitants des alentours, adultes et enfants.

 

 

Vue sur le Rhône, le barrage, le Ventoux…

Le panorama

La vue à 360° est saisissante. Le Ventoux, le Rhône, les Alpilles, le Palais des papes, la Montagnette, Arles…d’un côté, de l’autre les Cévennes, le Pic Saint-Loup…mais hélas nous ne pûmes contempler longtemps ces paysages car le Mistral y était redoutable, et même pire ! En bordure de la plateforme, un petit mur pourrait être la base d’une église aérienne, selon les dernières fouilles.

 

 

Une cellule creusée dans la roche

Les cellules

Nous sommes redescendus bien vite en traversant quelques cellules, certaines transformées en silos, en passant sous la seule inscription du site, gravée sur un linteau taillé dans la roche. Elle signale un certain VITALI, sans doute un moine : « Ici vécu Vitali ».
Redescendus dans la grande salle de la chapelle, le guide nous signale de petits creux superposés formant peut-être une lanterne des morts.

 

 

Le site est un vrai dédale, riche d’un passé encore à découvrir. Il témoigne aussi de l’opiniâtreté et de la foi de ses habitants successifs. Hors du temps il nous plonge dans un passé rustique et sauvage où la nature, la pierre prédomine, ce n’est pas pour déplaire aux muraillers de la Zébrine.

Cette terre d’Argence est vraiment riche de patrimoine. Nous remercions Françoise (Jaubert) d’avoir organisé ces deux visites. Reste encore à découvrir la ville de Beaucaire et ses hôtels particuliers, au cours d’une autre sortie, en automne peut-être ?

 

 

Pour aller plus loin

 

Quelques photos de la visite

 

 

 

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