Les cairns qui ponctuent les murs des enclos du chemin des capitelles de La Montagne à Uzès seraient l’oeuvre d’un régiment d’indochinois, Le bataillon Viêt Nam qui a séjourné à Uzès après la Libération. La troupe étant hébergée aux casernes et les officiers peut-être à l’Hotel Béchard (lu dans le Bulletin municipal décrivant le nouveau chemin des capitelles d’Uzès publié en 2010(?)) Mais nul document n’a été retrouvé aux Archives attestant cela. Ces indochinois ne sont pas restés longtemps à Uzès. Ils seraient repartis en Mai 1945. A Argiliers, il a été retrouvé la présence d’indochinois qui faisaient du charbon de bois dans les garrigues et le descendant de l’un d’eux est venu se renseigner auprès de la Mairie.
En 1940 des milliers de vietnamiens furent envoyés en France dans le cadre de la Main d’Oeuvre Indigène.
En septembre 1939. A la déclaration de la guerre, le gouvernement français demande au ministère des colonies d’opérer au recrutement d’une main d’oeuvre non spécialisée en Indochine. Ceci, afin de pouvoir suppléer au vide laissé par le départ sous les drapeaux de milliers de travailleurs français, en particulier dans les industries liées à l’effort de guerre. Ainsi fut créé le bureau de la Main d’Oeuvre Indigène (MOI).
La quasi totalité des requis provient du Vietnam, le pays le plus peuplé de l’Indochine. Des trois Ky (Tonkin, Annam et Cochinchine). 20 000 hommes font le voyage vers la France où ils arrivent par vagues successives de décembre 1939 à juin 1940. Le recrutement dans les villes et les villages est divers. Les maires de chaque village doivent fournir obligatoirement un nombre d’hommes à l’administration coloniale. Bien qu’en principe il n’est demandé qu’un garçon par famille de 3 enfants et pas l’aîné (qui transmet la tradition familiale dans la société viêtnamienne) ces réquisitions voient les situations les plus diverses. Des pères de famille sont envoyés en France, des fils aînés prennent la place de leur cadet ayant charge de famille. Certains se mutilent pour ne pas partir. Mais certains jeunes pensent que cet exil momentané sera bref et éventuellement riche en possibilité de formation professionnelle et opportunités de toute sortes.
A la fin de la “drôle de guerre » la France sombre dans le chaos. Sur les routes de l’exode, ils découvrent la France, un pays si différent. Certains notent que les Français de métropole ne sont pas méprisants comme ceux d’Indochine. Mais regroupés dans la Zone-Sud ils retrouvent des camps dirigés par d’anciens coloniaux aux méthodes inchangées. Dès 1941, ils acclimatent la riziculture en Camargue où ils cultivent en 1944, 800 hectares et récoltent 2 200 tonnes de paddy ). Certains se rappellent de cette période comme celle des « travaux forcés » . D’autres moins chanceux encore travaillent aux Salins de Giraud à quelques kilomètres de là et la situation dans les camps de la MOI est déplorable, dépourvus de tout contact avec la population française avec laquelle ils ne peuvent pour la plupart converser les travailleurs viêtnamiens sont alors dans une situation de dénuement extrême. Certains désertent pour éviter ces conditions inhumaines. Malgré l’encadrement, des signes de révolte apparaissent : une grève à Vénissieux en 1941, une autre à Marseille doublée d’une grève de la faim.
C’est surtout dans le contexte de la Libération que les travailleurs de la MOI peuvent pleinement prendre en charge leurs destinées. C’est l’heure de régler quelques comptes. Raymond Aubrac, Commissaire de la République en provenance d’Alger raconte dans ses Mémoires être intervenu en août 1944 pour que la situation du camp Viêt Nam de Mazargues (près de Marseille) s’améliore. Il use de son poids pour écarter des postes de direction l’équipe qui, durant les années de guerre, a trafiqué sur le dos des travailleurs.
A Nîmes, la 73ème compagnie se mutine et emprisonne les cadres jugés collaborateurs. L’unité rejoint ensuite les FTPF avec la 33ème compagnie et la fanfare de la MOI. Ce sera le fameux « Bataillon Viêt Nam » qui défile à Uzès dans le Gard derrière le drapeau rouge à étoile d’or en Aôut 1944 (sous le commandement du capitaine Tran Ngoc Hiep en 1944,Il s’agit d’une unité FFI constituée à base de prisonniers de guerre et travailleurs indochinois, une unité, très acquise aux idées nationalistes et communiste) . Ailleurs des compagnies aident et combattent avec les FFI.
Dans l’ambiance de la Libération qui promet la réalisation des idéaux de justice pour lesquels la Résistance a combattu, la vie dans les principaux camps de la MOI change du tout au tout. Chaque compagnie élit des représentants, qui siègent en comité, prennent en main la gestion des camps. L’essentiel des questions porte sur l’amélioration des conditions de vie matérielles. La prise en main de l’administration des camps par les Viêtnamiens eux même
A la fin de 1944 les camps sont dirigés par les délégués des ONS, les responsables de la MOI n’ont plus de poids. La guerre terminée, en 1945, les travailleurs ONS réclament plus que jamais leur démobilisation et leur retour au Viêt Nam. ….. Mais au Viêt Nam, la fin de la guerre en août 1945 coïncide avec la prise du pouvoir à Hanoi par le Vietminh et la création de la RDVN. Le retour au Viêt Nam pour les ONS se fait attendre. Début 1948, la plupart des travailleurs sont encore en France.
Texte issu de l’article de Maurice Rives : 1939-1954 Les travailleurs indochinois en France – Persée : www.persee.fr/doc/homig_1142-852x_199
Công Binh, la longue nuit indochinoise,
Le cinéma Le Capitole a proposé en mars 2013, une projection-débat du documentaire Công Binh, la longue nuit indochinoise, en présence du réalisateur Lam Lê et du journaliste et auteur, Pierre Daum. La projection fut suivie d’un débat avec le réalisateur et l’écrivain.
En partenariat avec la librairie Le Parefeuille d’Uzès, la signature du livre de Pierre Daum Immigrés de force publié chez Actes Sud.
A la veille de la deuxième guerre mondiale, 20 000 Vietnamiens étaient recrutés de force dans l’Indochine française pour venir suppléer dans les usines d’armement les ouvriers français partis sur le front allemand. Pris à tort pour des soldats, bloqués en France après la défaite de 1940, livrés à la merci des occupants allemands et des patrons collabos, ces ouvriers civils appelés Công Binh menaient une vie de parias sous l’Occupation. Ils étaient les pionniers de la culture du riz en Camargue. Considérés injustement comme des traîtres au Viet Nam, ils étaient pourtant tous derrière Ho Chi Minh pour l’Indépendance du pays en 1945. Le film a retrouvé une vingtaine de survivants au Viet Nam et en France. Cinq sont décédés pendant le montage du film. Ils racontent aujourd’hui le colonialisme vécu au quotidien et témoignent de l’opprobe qui a touché même leurs enfants. Une page de l’histoire entre la France et le Viet Nam honteusement occultée de la mémoire collective. (Midi Libre 2013)
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