A l’invitation de l’association, Martine Lafon, artiste plasticienne et conférencière, tentera de répondre à la question « Qui sont les paysagistes ? Que font les artistes ? » en évoquant le Sentier des Lauzes situé au cœur du Parc Naturel Régional des Monts d’Ardèche. Sur ce chemin d’art, traversant la vallée sauvage et merveilleuse de la Drobie, des artistes de renommées internationales ont voulu, dans une démarche culturelle, favoriser la prise de conscience du devenir de la vallée et enrichir, par des apports créatifs et innovants, les scenarii de développement.
Dialogue entre paysagistes et artistes
Ainsi sur un même territoire, dans une montagne autrefois accessible parce que cultivée, Gilles Clément, jardinier-paysagiste et Akio Suzuki, pionnier de l’art sonore ont expérimenté et « exploité » l’abandon des terres et la fermeture des paysages.
Les paysagistes s’intéressent avant tout à l’herbe et au paysage mais aussi à l’architecture qui modèle ce paysage. Il arrive que le paysagiste ait une réflexion très proche de l’artiste qui s’intéresse au paysage. Ils travaillent parfois ensemble. Ils font parfois preuve de corporatisme, refusant de mélanger les genres. Ils sont parfois très éloignés. Tout n’est donc pas forcément possible entre artistes et paysagistes. Mais quand ils recherchent ensemble et séparément un même dénivelé, une draille, un mur de pierres sèches et qu’ils écoutent ce qui ressemble à du silence, ils risquent fort d’être complices.
La conférence aura lieu à la salle polyvalente d’Arpaillargues, le mercredi 23 novembre à 15h. Entrée libre.
Rendez-vous : 15 h à la salle polyvalente d’Arpaillargues
Sentiers, balades, découvertes, séduisent bon nombre de zébriniens mais aussi certains amateurs d’art et de paysages. C’est ainsi que plus de trente personnes ont suivi Martine Lafon dans une visite virtuelle du Sentier des lauzes, un chemin d’art en paysage dans la vallée de la Drobie, dans les monts d’Ardèche, un sentier qui s’adresse aux amateurs de randonnées, d’art ou simplement de nature.
La conférencière
Martine Lafon, que certains connaissent bien pour avoir suivi la visite de Saint-Remy-de-Provence en 2021 et d’être aller voir son atelier à Barbentane, est artiste et conférencière. C’est elle aussi qui nous a fait découvrir l’inoubliable Hôtel d’Agar à Cavaillon. Elle connait bien le sentier des lauzes pour être restée en résidence à Jaujac, à proximité de Saint-Mélany et de Joyeuse dans le Parc Naturel Régional des Monts d’Ardèche. Elle a choisi de centrer sa conférence sur 4 artistes du parcours qui compte une dizaine d’œuvres d’artistes différents : Domingo Cisneros, Gilles Clément, Akio Suzuki et Giuseppe Penone.
Le projet
Initié par l’Association « Sur le sentier des lauzes » et le Parc Naturel Régional des Monts d’Ardèche, ce « circuit de randonnée rythmé par des installations d’artistes incarne un projet associatif de développement local porté par des habitants de la vallée de la Drobie… pour redonner vie et sens aux ponts, grangettes, terrasses, chapelle, moulin, éléments d’un patrimoine rural à l’abandon. Artistes, concepteurs, créateurs sont invités à porter un regard neuf sur ce paysage de façon à éclairer les futurs possibles de ce territoire, de cette vallée culturelle. »
Le parcours
Long de 15 km, le sentier peut être parcouru en 5 à 6 heures mais on peut aussi le fractionner en plusieurs étapes comme nous l’avons fait cet été (en raison de la chaleur). Il part de Saint-Mélany et grimpe plus ou moins doucement jusqu’à la chapelle Saint-Régis, se poursuit jusqu’au hameau de Dompnac. Il redescend en une boucle jusqu’au point de départ (voir carte). Le village de Saint-Mélany se trouve à 90-100 km d’Arpaillargues-Aureilhac, il faut presque 2 heures pour y arriver.
Les artistes
Domingo Cisneros : Parole de lauzes
C’est le premier artiste qui a été invité à réaliser une installation en 2001 sur le sentier. La commande consistait en une intervention pérenne, fixe, faite avec des matériaux locaux, traduisant la volonté de réinventer la vie dans la vallée et pour créer un signal le long du sentier.
Artiste et professeur d’art autochtone, installé au Canada, il réalise des installations en milieu naturel s’inspirant des traditions populaires locales. Composant des sculptures réalisées à partir de matériaux de l’environnent. Sa résidence est née d’une collaboration entre les parcs nationaux du Québec et le Parc Naturel Régional des monts d’Ardèche.
Avec l’aide des habitants il a remonté un mur de pierre sèche de schiste où il a fixé des silhouettes (s’inspirant des lauzes de faîtage) qui « semblent discuter entre elles, crier vers les cimes, formant un étrange conciliabule ».
Akio Suzuki : Oto date
Il vit et travaille au Japon, c’est un artiste du son. Invité en 2007, il a travaillé sur la question de la marche et du sentier longtemps l’unique moyen de circulation entre les hameaux dispersés, aujourd’hui transformés en sentier de randonnées et découvertes des paysages.
Oto date, ses œuvres, sont huit points d’écoute et de contemplation du paysage. Les emplacements sont marqués au sol d’une plaque constituée de ciment et de terre du site où sont moulées les empreintes de deux oreilles en forme de pieds. Certaines plaques sont placées au pied d’un siège en pierre sèche qu’il a construit comme une alcôve dans le mur. A chacun de capter les sons de la nature : vent dans les feuilles, cris d’animaux… en contemplant le paysage en « une approche auditive, visuelle, olfactive, pour une compréhension intime du lieu ».
Gilles Clément : le belvédère des lichens
Il a été invité en 2006 à réfléchir à la notion d’espace sauvage et au phénomène de déprise agricole.
Botaniste, ingénieur agronome, entomologiste, paysagiste et écrivain, il est avant tout un jardinier qui parcourt la planète et poursuit des travaux théoriques et pratiques à partir de trois axes de recherche : le Jardin en mouvement, le Jardin Planétaire et le Tiers-Paysage. Autrefois, sur ce territoire, la montagne était accessible parce qu’entièrement cultivée. Aujourd’hui, l’abandon des terres se traduit par l’enfrichement et la fermeture des paysages. Mais, par ailleurs, l’embroussaillement favorise l’apparition de nouvelles essences végétales et de nouvelles espèces animales. Certains voient cette évolution comme un repli, alors que pour d’autres elle est synonyme d’aventure et de biodiversité.
Gilles Clément a choisi un site sur un point haut du sentier, comme une halte, à l’écart mais proche de la chapelle Saint-Régis, avec une vue magnifique sitôt traversé un petit bois de chênes verts. C’est un belvédère constitué de trois platelages posés sur et entre les rochers où sont gravés des noms des lichens les plus proches. Les lichens forment de petits paysages face au grand paysage de la vallée. L’objectif est de faire apparaitre la diversité végétale, de la valoriser en la désignant comme territoire du futur biologique.
Giuseppe Penone : Transcription musicale de la structure des arbres
La relation de l’homme à la nature est au cœur de son travail . Dans un corps-à-corps avec les éléments et les matériaux, il interroge la sculpture et le paysage, le temps et le vivant. Il intervient sur les végétaux pour en modifier la croissance, creusant le tronc d’arbres pour en révéler à la fois la structure interne, les courbes de croissance et la richesse plastique.
Ses œuvres sont présentes dans les plus grandes collections d’art contemporain internationales et françaises.
Invité en 2012 il a réalisé une œuvre dont les gravures sont visibles dans l’atelier-refuge.
Après avoir enregistré les vibrations produites par quatorze arbres différents, l’artiste, à l’issue d’un travail en studio, a voulu donner à cette matière sonore brute la forme de quatorze partitions. Dans un second temps, il a réalisé sept gravures originales qui traduisent l’onde sonore en équivalent plastique.
Conclusion
Martine s’est attachée à présenter et à défendre l’acte de création de l’artiste qui après avoir résidé sur place dans l’atelier-refuge, l’Échappée, après avoir observé, réfléchi, travaillé, s’être intimement plongé dans la nature du lieu, a créé une œuvre originale qui lui est propre, qui ponctue, magnifie, s’intègre, symbolise… ce paysage magnifique mais fragile, isolé, dont les habitants s’interrogent sur son devenir comme sur le devenir de la planète.
La conférence fut un moment particulier de découvertes, de réflexions et d’échanges avec la salle. Nous remercions chaleureusement Martine de nous avoir guidé sur ce sentier. Cette conférence complète bien notre balade, pour Philippe et moi, qui y sommes allés. Nous espérons qu’elle vous donnera envie de parcourir le sentier et de découvrir à la fois un paysage où la pierre sèche témoigne d’un passé laborieux, les murs, les terrasses sont impressionnants, les châtaigniers y sont vénérables et les œuvres d’art qui se répondent et se prolongent sont étonnantes sur ce sentier qui mérite bien son nom de sentier d’art en paysage.
Pour aller plus loin
- Le Parc Naturel Régional des Monts d’Ardèche
- Le Groupe Territoire Culturel (Domingo Cisneros)
- Gilles Clément
- Giuseppe Penone
- Akio Suzuki
Autres chemins d’art en Uzège :
- Le sentier des fileuses à Sanilhac-Sagriès
- La draille des Seynes à Belvezet
- Le parcours Aiguillon d’art à Lussan
Quelques photos de la conférence et du sentier
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