Deuxième flânerie dans les rues d’Uzès dans les années 50 à 70, avant les rushes touristiques et le plan de sauvegarde. Visite guidée par deux Uzétiens : Dominique Claret et Jean-Gabriel Blanc
En parcourant les ruelles du centre, ils retraceront un aspect disparu de la ville au temps de leur jeunesse : la configuration des quartiers, les magasins, les enseignes, les métiers, les personnages pittoresques, etc. sans oublier de nous pousser la porte de certains hôtels particuliers. Bref une visite guidée hors des sentiers battus et des circuits touristiques.
Rendez-vous : 14 h devant le monument aux morts de l’esplanade à Uzès. La promenade devrait durer 2h, 2h30.
Vous souvenez vous, ou mieux encore, connaissiez vous Uzès dans les années 50, 60 ou 70, au temps où on la nommait « la belle endormie » ? Vous ne la reconnaitriez pas, elle a tellement changé ! Nos deux guides Jean-Gabriel Blanc et Dominique Claret sont deux uzétiens de longue date, ils vont nous parler de leurs souvenirs d’enfance et d’adolescence et faire revivre ainsi tout un pan de l’histoire de la ville, si proche et si lointain à la fois. Une vingtaine de zébriniens les ont suivi pour une balade ou plutôt une flânerie uzétienne.
Nos guides
Jean-Gabriel : certains le connaissaient déjà pour avoir suivi la première flânerie l’an passé, qui portait plutôt sur la « Grande histoire ». De famille uzétienne, il venait passer toutes ses vacances à Uzès puis s’y est installé. Cocréateur de la SOREVE et du Comité de quartier de la Grande bourgade il est intarissable sur l’histoire de sa ville.
Dominique : Uzétien de naissance et de famille d’uzétiens, il connait bien la ville où il a toujours vécu et où il dirigeait le cabinet d’Assurance crée par son père. C’est lui qui nous a donné l’idée de ces flâneries grâce au groupe « Uzès d’hier à aujourd’hui » sur Facebook où il évoquait en se baladant au fil des rues, les magasins, les artisans et les personnages… à partir de vieilles photos, car Dominique s’intéresse beaucoup à la photographie !
Le parcours
Plus court que celui de l’an passé, il commence au même endroit : l’esplanade du monument aux morts et se termine dans la rue Pélisserie, et sera centré sur l’évolution de la ville au milieu du 20e siècle.
L’Esplanade du monument aux morts
Nous ne répèterons pas ce qui a été dit l’an passé (voir la page de la visite d’Uzès du 15 nov 2021).
Dominique a parcouru du regard toute l’esplanade en précisant qu’on était à la campagne dans les années 50, hors les murs (qui suivaient le trottoir du boulevard précisa Jean-Gabriel). Le Temple y était, ancien réfectoire des Cordeliers, mais pas la Poste qui se trouvait près de la Mairie. Pas de Banque populaire, pas de Collège mais des près à vaches où coulait le Redounet, un ruisseau aujourd’hui couvert avec des canalisations de plus d’un mètre de diamètre.
La Filature Vincent était devenue un dancing : « La Potinière », pas une boite de nuit car les époux Declerck du cinéma invitaient des musiciens. On dansait au son d’un orchestre ! Tout au fond du dancing il y avait une issue de secours qui débouchait dans la rue Grande bourgade. Les jeunes connaissaient bien ce passage nous dit Jean-Gabriel, et tentaient d’y entrer à l’œil ! C’est le premier passage dont on parle et vous verrez que ce n’est pas le dernier. Ils semblent être une caractéristique de la ville.
Le boulevard des Alliés
Pas de banque bien sûr mais le garage Laborie à la place de la Coupole d’or (chapelle des sœurs régentes). A côté, l’Hôtel Béchard et en face, à droite de la porte Saint-Étienne, ce bel immeuble n’était pas un restaurant mais l’Étude du notaire Maître Lahondes, qui vivait à l’étage et qui s’occupait des biens des protestants, un autre notaire s’occupait de ceux des catholiques !
Rue Saint-Étienne
Nous nous sommes arrêtés longuement dans cette rue pour évoquer la rénovation d’Uzès dans les années 60 à 70.
La belle porte 18e siècle devait être bien solide pour avoir résisté à l’effondrement des bâtiments voisins, car ici tout est neuf, plus ou moins bien réalisé. Il faut imaginer la ville avec de grandes palissades de chantiers et de multiples étais, car deux maisons se sont écroulées en 1960. Ce qui a entrainé tout un plan de sauvegarde en 1965 et de multiples réalisations qui ont changé radicalement l’aspect de la ville et cela grâce à la Loi Malraux.
Place aux herbes
Nous avons évoqué en marchant les quelques commerces de la place qui se nommait alors Place de la République : Deux grossistes de fruits et légumes, la Boulangerie uzétienne, un marchand de chaussures, un commerce de vêtements… Nos guides ont insisté sur l’aspect de la place. Il y avait des trottoirs encadrant une rue caladée puis goudronnée. La place n’était pas pavée, comme aujourd’hui de dalles (de porphyre de Malte) et ce depuis 1978, mais en terre battue. La fontaine était à peu près à la même place.
L’Hôtel de la Rochette
Pendant que nous discutions, la charmante propriétaire de l’Hôtel de la Rochette nous a fait signe. Elle nous ouvrait sa porte. Quelle chance !
Ce superbe Hôtel particulier évoque pour nous Cyrano de Bergerac (hum, le film voir la flânerie n°1). La superbe porte 18e ouvre sur un sol pavé en partie de pierres calcaires d’Arpaillargues (mais oui !) et de grès de St-Victor, et présente une belle calade de galets roulés du 18e s. juste devant le puits. On peut y admirer un bel escalier avec rampe de ferronnerie 18e.
Ce grand hôtel particulier qui appartient à la même famille depuis 1756, était constitué de plusieurs maisons et dans les années 60 de plusieurs appartements. C’est ainsi que Dominique y a habité et que Jean-Gabriel venait rendre visite à de nombreux amis.
Les passages
Uzès avait ses « traboules » mais privées et aujourd’hui fermées pour la plupart. Ces petites ruelles, ou couloirs, facilitaient la circulation dans la vieille ville. Il est a remarqué que deux passages marchands ont été crées pendant la restauration, bien commodes (mais peut être, non sans destructions).
Tout au fond de la grande entrée de l’Hôtel de la Rochette, une porte permettait de rejoindre le boulevard. Emprunté par de nombreux uzétiens ce passage est aujourd’hui fermé.
De même, le passage de la maison Granat (maison de la grand-mère de Jean-Gabriel) permettait de rejoindre plus rapidement la place de la République et les enfants qui y jouaient.
Passage Verdier-Allut. Tout au fond de la cour intérieure, la porte de gauche donnait sur un passage que Dominique a souvent emprunté. Il nous précise d’ailleurs :
Dans les années cinquante/soixante, les immeubles en général n’étaient pas fermés à clé ou munis de digicode. Tout le monde avait accès aux couloirs, escaliers, jusqu’aux appartements.
Ainsi trois immeubles servaient de raccourcis entre les boulevards et la place aux Herbes.
Le premier, en face de ma maison , actuellement la banque CIC, avait un couloir, dont l’entrée était située entre l’ancienne Société Générale et le magasin de linge de maison de madame Gaston ( récemment boutique Imagine). Couloir non éclairé qui faisait une chicane obscure avant de déboucher dans la cour de l’hôtel particulier (Verdier-Allut) du 12 rue de la République. Le second raccourci traversait l’immeuble de l’optique Lauret. Passé la porte cochère et l’entrée d’immeuble on arrive dans une première cour, et ensuite dans une seconde entre cet immeuble et le suivant, où nous sommes entrés par le coin de la place aux Herbes (actuellement occupé par une esthéticienne). Enfin , le troisième couloir avait son départ côté boulevard par une petite porte à droite du magasin Clic Clac, et après un ou deux détours, on débouchait au coin de l’Hôtel de la Rochette…
Ces couloirs étaient bien utiles pour aboutir sur la place. Je ne pense pas que la création du passage soit à l’origine de leur disparition même si elle y a participé. Mais peu à peu les accès aux immeubles ont été fermés à clef ou munis de portiers électroniques. Changement de vie et transformation des immeubles après restauration.
J’ai parlé de ces trois endroits car c’était le quartier de mon enfance. Peut-être y en avait-il d’autres…
L’Hôtel Verdier-Allut (ou de Joubert)
Nous avons pu à nouveau pénétrer dans la cour de ce bel Hôtel particulier pour y admirer le bel escalier à noyaux qui desservait l’étude de Maître Privat il n’y a pas si longtemps. Sa porte est décorée de tablettes encadrant un curieux motif : un chevalier et une tour à 3 étages (une ziggourat). Tout à côté de la porte du passage on a pu voir le fameux escalier en vis creuse.
L’Hôtel d’André
Sa façade présente un beau balcon sur trois arceaux, où on peut lire encore « Alimentation générale libre-service ». A l’intérieur, un rare escalier encore accessible (porte non fermée), bel escalier monumental avec une cage carrée et une rampe en fer forgé formant frise en tresses.
Place Dampmartin
C’était la place la plus commerçante et la plus animée dans les années 60. De nombreux commerces l’entouraient : boucher, charcutier, boucherie chevaline, poissonnier… et surtout droguerie.
L’Hôtel de Gondin
On peut y admirer les deux plus vieilles voûtes d’Uzès (15e s.) qui viennent d’être nettoyées, magnifiques. Leurs clefs de voûte rondes représentent, l’une : un agneau pascal et l’autre : un chêne rouvre. Armoiries supposées de la famille Beauvoir du Roure.
L’Hôtel Cabot de Dampmartin
Encore un très grand et très bel Hôtel particulier où Dominique nous a indiqué la jolie tour de la façade Renaissance où est née sa mère !
Comme l’Hôtel de la Rochette, cet immeuble était divisé en plusieurs appartements où ont logé bon nombre d’Uzétiens. Le rez-de-chaussée a abrité un temps « l’Alibi », un restaurant-boite de jazz qui reçu des musiciens renommés. Aujourd’hui, seules les visites guidées permettent d’y pénétrer pour admirer l’escalier et la cour au décor Renaissance.
Rue de l’épée et rue Pélisserie
Dernier vestige de pièce sur rue, car tous les autres couverts de rue ont été détruits, cette petite rue portait le nom de rue de l’espase devenu épée ! Nous la suivons pour arriver rue Pélisserie devant le grand Hôtel de Flaux où vécu Jean-Gabriel. Dans un appartement de 200 m² sur deux niveaux avec 6 grandes pièces en enfilade, le rêve pour ses filles !
En poursuivant notre chemin nous avons atteint l’immeuble du puits communal. Une maison chargée d’histoire puisqu’elle a abrité un atelier de serrurier, celui du grand-père de Dominique et dont il nous a communiqué quelques photos. Un témoignage de ces artisans et commerçants regroupés au centre de la ville.
Cela faisait près de trois heures que nous flânions à Uzès. Même si nous n’avons pas pu nous limiter aux années 50 à 70, l’Uzès du 17e ou 18e siècle s’imposant toujours, cette flânerie nous a montré la ville sous un nouvel angle. D’abord par les yeux de deux enfants très attachés à leur ville qu’ils connaissent parfaitement et que nous remercions de nous avoir confié leurs souvenirs de jeunesse. De plus, cette visite nous a rappelé toute l’évolution d’une petite bourgade du Sud, un peu délaissée, un peu poussiéreuse, qui s’est transformée en une ville qui attire tant de touristes (un peu trop) et de nouveaux résidents séduits par sa lumière, son architecture, son environnement préservé, bref sa qualité de vie. Uzès est bien une ville à taille humaine où il fait bon vivre !
Pour aller plus loin
- Uzès et l’Uzège 20 siècles d’histoire : Collectif .- Ed. Études & Communication
- Abécédaire d’Uzès : M. Peyroche d’Arnaud.- Ed. Alcide
- Les belles demeures familiales d’Uzès : J-C Galand – M. Olmière .- Ed. Les Presses du Languedoc
- Uzès son histoire ses monuments en parcourant ses venelles et ses places : G. Chauvet.- Atelier H. Peladan
- Uzès : M-L Laporte – J. Roux.- Ed. Equinoxe
- Secteur sauvegardé d’Uzès : N. Depaire.- Ed. Equinoxe
- et bien d’autres
Quelques photos de la visite
Nous remercions Dominique Claret pour les documents photographiques qu’il nous a aimablement fournis.
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